Est-ce que nos émotions influencent nos décisions?

Réponse: presque toujours

Explications

On a tous·tes déjà connu un moment dans notre vie où nos émotions ont pris les commandes: la peur de parler en public qui paralyse, des mots qui dépassent nos pensées lors d'une dispute intense et prolongée, des cris de suprise, ...

Mais contrairement aux idées reçues, le reste de nos décisions ne sont pas totalement rationnelles. Presque toutes nos décisions sont influencées par nos émotions.

Nos émotions nous influencent

Même lorsqu'on pense prendre une décision 100% rationnelle et objective, la décision finale est influencée par nos émotions. Par exemple dans le trading où on utilise très largement des indicateurs mathématiques basés sur des informations objectives et quantifiées, des études ont montré que le cours de la bourse est corrélé à l'ensoleillement dans 26 pays différents.

Une autre étude a provoqué volontairement une bonne humeur (émotions positives) ou une mauvaise humeur (émotions négatives) chez des traders et a examiné leurs décisions. Elle a montré qu'un trader de mauvaise humeur était beaucoup plus prudent dans ses décisions et perdait moins d'argent qu'un trader de bonne humeur ou d'humeur neutre, même lorsque les deux passaient autant de temps à chercher des informations objectives et à les soupeser.

D'autres études ont montré l'impact des émotions sur un autre phénomène: les gens préfèrent recevoir une petite somme aujourd'hui plutôt qu'une grosse somme demain. La tristesse amplifie ce biais cognitif et amène les gens à accepter des sommes encore plus petites aujourd'hui. En revanche, la gratitude l'atténue et amène les gens à préférer plus souvent une plus grosse somme demain.

Cette influence est inconsciente

Point très important, dans la plupart de ces cas cette influence est inconsciente. Elle n'est donc ni mesurée, ni prise en compte, ni compensée.

Cela signifie que dans des domaines où l'objectivité des décisions est essentielle, comme dans la justice, les affaires et les décisions gouvernementales, la fiabilité et l'objectivité des décisions ne sont pas du tout assurés.

Contrer cette influence

Il est néanmoins possible d'atténuer l'impact des émotions sur nos décisions grâce à certaines techniques psychologiques.

Les études ont montré qu'essayer de différer, refouler ou supprimer son émotion n'est pas efficace et parfois même empire la situation. Se saturer d'informations et de réflexions rationnelles ne fonctionne pas non plus.

Par contre, il est possible de régulièrement tester son état émotionnel et de s'écarter volontairement des situations où l'émotion actuelle risque d'interférer.

Par exemple, il est possible de tester si un trader est de bonne ou de mauvaise humeur, et de lui confier temporairement des tâches de collecte d'informations plutôt que de décision s'il est de bonne humeur.

Alternativement, une fois identifiée et prise en compte consciemment, l'émotion qui biaiserait nos décisions peut être réévaluée afin d'atténuer le sens associé, l'enjeu et son impact sur nos décisions. Il est par exemple possible de modérer l'impact de la source des émotions positives pour un trader avant de lui permettre de prendre des décisions.

Cette émotion peut aussi être neutralisée en provoquant volontairement une émotion complémentaire. Par exemple, l'impact de la tristesse sur la préférence d'une faible somme aujourd'hui plutôt qu'une grosse somme demain, peut être neutralisée par la gratitude.

Auteur

Damien Follet, chercheur © 2022

Références scientifiques:

- Ledoux 2000, 2003, 2006: les émotions dominent parfois la raison

- Hirshleifer & Shumway 2003, Kamstra et al. 2003: correlation entre ensoleillement et cours de la bourse

- Au & al, 2003: l'humeur influence la prise de risque

- Han & al. 2007, Keltner & Lerner 2010, Lerner & Keltner 2000, Lerner & Tiedens 2006, Loewenstein & Lerner 2003, Pham 2007, Vohs et al. 2007, Yates 2007: influence des émotions incidentes

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